
Alter Ego
Partant du déploiement des mousses en puissants réseaux, Geneviève Dumont interroge leur capacité d’agir et leur autonomie. Eric Audoubert, lui aussi se met au diapason des cycles naturels pour révéler cette énergie vitale qui nous relie à eux.
Alter ego
Cette exposition prend pour point de départ le constat de l’indéniable réalité que nous faisons partie de la nature, c’est-à-dire que celle-ci est notre alter ego.
En accordant toute son attention à l’organisation et au système de déploiement des mousses ainsi qu’à leur extraordinaire variété et capacité de résistance, Geneviève Dumont les a rencontrées et a partagé avec elles un dialogue incessant.
C’est en partie grâce à cet univers des végétaux particulièrement endurant et résilient que notre monde s’étendit pour développer un mode de cheminement en rhizomes. S’intéressant à ce mode d’existence, l’artiste s’associe affectivement à leur savoir-vivre, les considérant dès lors comme son « autre ». Cette empathie permet de comprendre qu’un lien métabolique nous unit au végétal, tout comme à l’animal d’ailleurs.
L’anthropologue contemporain Charles Stépanoff spécifie que « l’imagination de l’homme est trans-espèces ». Il y a ainsi chez certains êtres humains, et sans doute plus que chez d’autres, une « intelligence écologique » qui permet des interactions avec des alter egos non-humains.
En créant ses paysages où des mousses s’étendent en rayonnant, Geneviève Dumont donne libre cours à son aptitude perceptive pour entrer, via la gravure sur zinc, en interaction avec elles.
Eric Audoubert, quant à lui, cherche le dialogue avec les énergies vitales des cycles naturels, qu’il approche à l’aide du crayon graphite. Qu’il s’agisse de mutations atmosphériques ou de frondaisons au balancement rythmé par les vents, c’est le mouvement universel qui mobilise l’artiste.
Notre partenaire, avec Eric Audoubert, se situe dans l’énergie vitale qui nous relie au cosmos. En dialogue avec l’immaitrisable et l’invisible, l’artiste nous rappelle qu’une force universelle nous anime.
En nous proposant des enchevêtrements et entrelacs de courants d’air ou d’eau, Eric Audoubert, sur feuilles de papier, active l’espace, ou, en tout cas, il cherche à le dynamiser pour relancer notre regard.
Les deux artistes partagent comme point commun leur attrait pour le paysage, par lequel ils peuvent s’associer à la nature dans ce qu’elle a de plus incontrôlable et ambigu. On peut alors se demander : qu’est-ce qu’un paysage ? et répondre que celui-ci a pour rôle de nous inviter à nous unir à notre environnement. Tout comme il pourrait, grâce à nos deux artistes, nous initier à la méditation.
Avec Genevève Dumaont et Eric Audoubert la primauté des échanges avec la nature se fait par le dessin, ce qui autorise une forme de réciprocité et de communion avec celle-ci, hors langage articulé par la raison.
Pas question alors d’exercer son pouvoir, de prélever ou de dominer son autre mais plutôt de reconnaitre son pouvoir d’agir et son habile intelligence.
Simone Schuiten