Frank
Vigneron

Frank VIGNERON, président et professeur, Département des Beaux-Arts de l’Université Chinoise d’Hong Kong

Hong Kong (Chine), 1965, vit et travaille à Hong Kong.

Né dans une famille nomade française (son père travaillait pour une compagnie de transport international), Frank Vigneron est né à Hong Kong, et a grandi au Vietnam, en Belgique, puis en France avant de retourner vivre à Hong Kong en 1990.

Il a toujours pratiqué le dessin en autodidacte sans jamais suivre de cours, préférant étudier l’histoire de l’art et la sinologie. Après l’obtention d’une maîtrise à l’INALCO à Paris (sous la direction de François Cheng), il a travaillé comme professeur de français langue étrangère à l’Alliance Française de Hong Kong sans jamais interrompre sa pratique artistique. Après avoir obtenu son premier doctorat en Études d’Extrême Orient à Paris VII Denis Diderot, sur un théoricien et peintre chinois du 18e siècle, il a commencé à exposer son travail de dessins à Hong Kong, en Chine et parfois en Europe.

En 2004, il a commencé à enseigner l’histoire de l’art à l’Université Chinoise de Hong Kong, dans le département d’arts plastiques dont il est maintenant le directeur, tout en poursuivant ses études qui lui ont permis d’obtenir un doctorat d’art plastique à l’université RMIT en Australie et un doctorat de littérature comparée à Paris IV Sorbonne (une étude comparative de la théorie de l’art en Chine et en Europe au 18e siècle). Tout en écrivant abondamment sur la scène artistique contemporaine de Hong Kong et ses développements, il n’a jamais cessé d’écrire et de publier sur la théorie de l’art en Chine, s’intéressant de près à une pensée qui a toujours alimenté sa réflexion sur son propre projet artistique.

Depuis le début de son œuvre au titre collectif de Le Songe Creux (un projet qui a donc commencé dans les années 80 à Paris), il l’a conçu comme une entreprise d’écriture puisqu’il trace ces lignes avec un stylo sur une table. Bien que l’évocation de l’image du moine copiant lui a toujours été présente à l’esprit, c’est donc dans le monde chinois que l’on peut trouver les comparaisons les plus productives. Les longues heures passées à tracer ces lignes qui s’enchevêtrent sont tout autant reliées à la notion de kungfu (gongfu 功夫, qui, bien avant de signifier les arts martiaux chinois, a voulu dire le temps passé à maîtriser une discipline, quelle qu’elle soit) qu’à une matérialisation de notions empruntées à la théorie de l’art chinoise. Ce sont en effet les termes de vide et de plein qui animent les relations de formes qui se manifestent dans les dessins de Frank Vigneron. D’autres notions de cette théorie de l’art sont tout aussi opérantes dans son œuvre et ont déjà été traitées dans des publications qui ont tout autant pris la forme d’articles dans des revues universitaires que dans des livres d’art publiés par l’artiste.

 

Le Songe Creux – un projet de disparition

Frank Vigneron

En tant que projet, Le Songe Creux est enraciné dans un désir d’effacement de la personne et de disparition finale de l’œuvre d’art elle-même dans sa propre complexité, l’accumulation des lignes guidant souvent vers un dessin « allover » (c’est-à-dire « sur toute la surface ») où toutes les lignes tendent à s’effacer et à aplatir l’image vers un état de quasi disparition. Cette attitude se reflète dans les dessins du Songe Creux en un certain état d’insipidité qui est en fait activement recherché. Grâce à la relative pâleur et compacité de ces dessins, la plupart des gens sont souvent peu intéressés au premier abord, mais le délai imposé par leur perception plus active joue cependant parfois en leur faveur.

Le Songe Creux n’a pas été conçu dans le cadre de l’idéalisme platonicien, et il n’y a rien « derrière » ces dessins, comme dans la tradition Minimaliste. En ce sens, il est important de souligner à quel point mes recherches universitaires sur la théorie de la peinture lettrée chinoise ont nourri ma pratique artistique (soutenue bien évidemment par la lecture de sinologues tels que François Cheng et François Jullien). C’est plus spécialement la compréhension de la notion de « vide » (kong 空 ou xu 虛), concept qui provient de la philosophie dite néo-confucéenne, qui a dirigé la réalisation de ces dessins. Pour mieux comprendre comment le « vide » prend un rôle ontologique dans la peinture chinoise, il faut se tourner vers la pratique lettrée du paysage. Le mot « paysage » est rendu en chinois par le binôme « montagne-eau » (shanshui 山水), exprimant clairement que le paysage chinois est construit avec ces deux éléments tout en les organisant dans une conception moniste de l’univers. Quand nous regardons un paysage peint par un peintre lettré, plus spécialement ceux faits à l’encre monochrome, nous pouvons voir que les relations établies entre la montagne et l’eau, grâce au vide que l’artiste instille entre eux, ôte toute différence entre sujet et objet. Le vide, le plus souvent représenté sous forme de brouillard, les relie tout en effaçant toute différentiation visuelle entre les deux : une brume ou un nuage peint à l’encre peut tout aussi bien faire penser à une pierre par sa forme qu’à de l’eau par sa composition et brouille ainsi leurs limites, mêlant montagne et eau en un tout indifférencié.

Pour bien des théoriciens néo-confucéen de l’art en Chine pré-républicaine, la pratique de la peinture de paysage était une façon d’entrer dans une nature qui se trouvait aussi en leur sein. Ce n’était ainsi qu’après avoir maîtrisé les techniques de base du pinceau-encre (bimo 筆墨) que l’on peut suivre le déclenchement soudain du désir créatif (ji 機). Ce moment mène aux « transformations » (bian 變), c’est-à-dire à la fois aux inventions personnelles de l’artiste et à leur constante adaptation aux événements de l’acte créatif. Un de ces théoriciens insistait d’ailleurs sur le fait que cet acte prenait place entre « l’intentionnel et le non-intentionnel » (youyi wuyi zhijian 有意無意之間). Ces « transformations » elles-mêmes se produisent dans la « cavité du cœur » (xinkan 心坎, qui signifie la conscience d’une personne en chinois et n’a pas le sens de « sentimental » que le mot « cœur » possède dans beaucoup de langues occidentales) en relation avec la « puissance de métamorphoses » de la nature (zaohua 造化). Pour simplifier, il est possible de dire que la nature se trouve dans l’esprit de l’artiste qui se trouve lui-même dans cette nature, à la fois contenant et contenu.

Bien que les peintres chinois se soient aussi préoccupés de la recherche de styles personnels, ils ne les ont vus que comme le résultat logique de ces  « transformations », inévitables et de ce fait très logiquement désirables. L’indifférenciation du sujet et de l’objet dans la peinture de paysage lettrée a donc mené les peintres a s’absenter de leurs propres peintures sur le plan spirituel afin de laisser la nature s’y manifester sans encombres. Le mot même de « nature » en chinois est exprimé par l’expression daziran (大自然) qui signifie littéralement « grande spontanéité », exprimant clairement que la nature se réalise pleinement d’elle-même, d’une façon constante et auto-générée. La fidélité à ce processus d’auto-génération n’est ainsi possible qu’à travers l’effort d’auto-effacement du peintre. Dans toute la théorie de la peinture lettrée surgit cependant l’idée toujours répétée qu’il faut un effort de réflexion et de méditation soutenu pour accomplir ce processus et que seuls des artistes à la forte personnalité en sont capables. Cela est aussi vrai de la personne regardant ces peintures : elle ne sera capable d’y percevoir cette nature s’exprimant d’elle-même à travers le peintre qu’en s’effaçant elle-même dans le processus de perception. C’est dans les creux/vides du Songe Creux que j’espère que nous nous effacerons tous.

 

Quelques repères bibliographiques :

Livres d’art:

– Le Songe Creux – Codex, Hong Kong : MCCM Creations 2008.

– Le Songe Creux – Heterotopias, Hong Kong: Hong Kong Arts Development Council, 2006.

Publications universitaires:

China Pluperfect I. Epistemology of Past and Outside in Chinese Art, Hong Kong: The Chinese University Press, 2022.

China Pluperfect II. Practices of Past and Outside in Chinese Art, Hong Kong: The Chinese University Press, 2022.

Hong Kong Soft Power. Art Practices in the Special Administrative Region 2005 to 2014, Hong Kong: The Chinese University Press, 2018.

I Like Hong Kong… Art and Deterritorialization, Hong Kong: The Chinese University Press, 2010.

Académiciens et Lettrés. Analyse comparative de la théorie picturale du 18e siècle en Chine et en Europe, Paris: Editions You Feng, 2010.

Expositions individuelles:

«Le Songe Creux», à 敬 一 书院 (杭州 弧 山 一片云 文化 藝術 中心), West Lake, Hangzhou, Chine. 13 octobre au 12 décembre 2019.
«Le Songe Creux», organisé par Lucie Chang Gallery, Art Central, Hong Kong, 27-31 mars 2017.
«Le Songe Creux», exposition à ODRADEK, Bruxelles, Belgique, 10 mars – 10 avril 2017.
«Le Songe Creux», à Lucie Chang Fine Arts, Hong Kong. 26 mai au 26 juillet 2016.
«Le Songe Creux», Galerie Le Pont des Arts, Shanghai, 2011.
«Le Songe Creux», MOCA China, Delay No Mall, Hong Kong, 2008.
«Le Songe Creux», exposition sur invitation, lors de la remise des diplômes du département des Beaux-Arts. Galerie Hui, bâtiment Sheng Ming, Université chinoise de Hong Kong, mai-juin 2005.
«Le Songe Creux», Hong Kong Institute of Education, Hong Kong, 2005.
«Le Songe Creux», Université baptiste, pendant le Festival français. 08 au 19/03/2004. Wo Foo Foundation Centre étudiant Amelia Lee, salle commune des étudiants. Avec une master class, «Le Songe Creux – Writing within the Blanks», 15/03/2004.
«Le Songe Creux», John Batten / Gallery, Hong Kong, 2004.
«Le Songe Creux», John Batten / Gallery, Hong Kong, 2003.
«Le Songe Creux», The Hollow Dream. John Batten / Gallery, Hong Kong, 1999.
«Le Songe Creux», Hong Kong Institute of Education, Hong Kong, 1998.
«Le Songe Creux», organisé par John Batten / Gallery, Hong Kong Country Club, Hong Kong,
«Le Songe Creux», Fringe Club, Hong Kong, 1997.

 

Expositions individuelles:

«The Hollow Dream», à 敬 一 书院 (杭州 弧 山 一片云 文化 藝術 中心), West Lake, Hangzhou, Chine. 13 octobre au 12 décembre 2019.
«Le Songe Creux», organisé par Lucie Chang Gallery, Art Central, Hong Kong, 27-31 mars 2017.
«Le Songe Creux», exposition à ODRADEK, Bruxelles, Belgique, 10 mars – 10 avril 2017.
«Le Songe Creux», à Lucie Chang Fine Arts, Hong Kong. 26 mai au 26 juillet 2016.
«Le Songe Creux», Galerie Le Pont des Arts, Shanghai, 2011.
«Le Songe Creux», MOCA China, Delay No Mall, Hong Kong, 2008.
«Le Songe Creux», exposition sur invitation, lors de la remise des diplômes du département des Beaux-Arts. Galerie Hui, bâtiment Sheng Ming, Université chinoise de Hong Kong, mai-juin 2005.
«Le Songe Creux», Hong Kong Institute of Education, Hong Kong, 2005.
«Le Songe Creux», Université baptiste, pendant le Festival français. 08 au 19/03/2004. Wo Foo Foundation Centre étudiant Amelia Lee, salle commune des étudiants. Avec une master class «Le Songe Creux – Writing within the Blanks», 15/03/2004.
«Le Songe Creux», John Batten / Gallery, Hong Kong, 2004.
Le rêve creux. John Batten / Gallery, Hong Kong, 2003.
Le Songe Creux / The Hollow Dream. John Batten / Gallery, Hong Kong, 1999.
«Le Songe Creux, Hong Kong Institute of Education, Hong Kong, 1998.
«Le Songe Creux», organisé par John Batten / Gallery, Hong Kong Country Club, Hong Kong,
«Le Songe Creux», Fringe Club, Hong Kong, 1997.

Expositions de groupe:

Writing Non-Writing: 2019 Hangzhou International Contemporary Calligraphy Festival  » (書 非 書: 2019 杭州 國際 現代 書法 藝術 節), 12 au 24 octobre 2019, Art Museum of China Academy of Art (218 Nanshan Road, Hangzhou, Zhejiang, Chine ) 中國 ط 學院 ط (浙江省 杭州市 南山 路 218 號).
Ink Brussels 2019. Recherche avancée en art à l’encre. 6-12 mai 2019. Espace d’Architecture (Faculté d’Architecture, La Cambre Horta, 19 Place Flagey, Bruxelles, Belgique), équipe curatoriale: Kiran Katara, Lia Wei, Zhang Qiang, Simone Schuiten.
Frank Vigneron, Ho Siu Kee (韋 一 空 , 何兆基), Le Songe Creux + Série Montagne et Mer (想 虛空 + 山水 系列), commissaire: Frank Yang 楊鋒. Musée des boîtes de la ville chinoise d’outre-mer (OCT) (華僑城 盒子 ط術館), Shunde 順德, Guangzhou 廣州, Chine. 10 août – 17 septembre 2018.
2017 Bi-City Biennale of Urbanism / Architecture (Shenzhen) 深 港 城市 建築 雙城 雙年展 (深圳), Luo Hu Sub-Venue 羅湖 分 展 場, Shenzhen Industrial Station 深圳 工業 站, 19 décembre 2017-15 mars 2018.
Borrowed People, conservateur, Francis Yu 余偉 聯, 18 novembre-1er décembre 2017, AVA, Kowloon Tong, Hong Kong.
Ink Global 2017 全球 水墨畫 大展, 2017, 3-8 août 2017 Hong Kong Convention and Exhibition Centre, Hong Kong.
‘Please Turn Over’, courte exposition qui coïncide avec la conférence ‘The Art of the Book’ (https://scolarcardiff.wordpress.com/2015/08/13/cfp-art-of-the-book/), 4 -6 décembre 2015, Cardiff Met University dans le «HEARTSPACE», Cardiff, Pays de Galles, Royaume-Uni.
«Écriture / Non-écriture: position et contexte» «书 非 书 —— 方位 与 境 域» 杭州 国际 书法 艺术 展, 2015 Exposition internationale de calligraphie moderne, Hangzhou. Musée d’Art Contemporain, Académie d’Art de Chine 8-22 mai 2015.
Reproduire le classique: l’expérience de la ligne et de l’encre. Koon Wai Bong & Frank Vigneron, faisant partie de Restoration (Taiwan) VS Appropriating the Classics (Hong Kong). suis l’espace, Hong Kong, 2014.
The 20th Taipei Art Fair International, Taipei World Trade Center, Taipei, 2013.
Hong Kong Peinture On & On 3: Taciturn. galerie de la HKICC Lee Shau Kee School of Creativity, Hong Kong, 2013.
Fine Art Asia International Art Fair, Hong Kong Convention and Exhibition Centre, Hong Kong, 2013.
Open Books (exposition itinérante), National Library of Wales, Aberystwyth, Ceredigion, 2012. BayArt Gallery, Cardiff, 2012. Library of the University of Western England (UWE), Bristol, 2013. Sanshang Art Museum Hangzhou, Chine, 2013 – 2014 . Logan Regional Gallery, Queensland, 2014. Bibliothèque ADFA (Australian Defence Force Academy), Canberra, 2014. Art Museum, The Chinese University of Hong Kong, Hong Kong, 2015. – Wenzhou Contemporary Art Museum 溫州 當代 大, China, 19 to 30 août 2015. – Bibliothèque et Archives Canada, Ottawa, 28 septembre – 30 novembre 2016. – Lalit Kala Academy, Jaipur, Rajasthan, Inde, 9-28 janvier 2017. – Chu-Griffis Asian Art Collection, Connecticut College, New London, USA, novembre 2017.
Shanghai Art Fair, Le Pont des Arts Gallery, Shanghai, 2011.
Two Cities – The Third Shenzhen Hong Kong Ink Art Exchange Exhibition (organisée par le Département de la promotion du Comité municipal de Shenzhen, l’Association culturelle municipale de Shenzhen, le Conseil du tourisme culturel de la ville, l’Institut des beaux-arts de Shenzhen, le Département des loisirs et des services culturels de Hong Kong et Hong Kong Arts Development Council). Bibliothèque centrale de Hong Kong, Hong Kong, 2011. Institut des beaux-arts de Shenzhen, Shenzhen, 2011.
Héritage et créations – Art à l’encre vs Art à l’encre. Musée d’art de Hong Kong, Hong Kong, 2011.
La 7e Biennale internationale de peinture à l’encre de Shenzhen – Hong Kong Ink Art.
Musée d’art Guan Shanyue, Shenzhen, 2010-2011.

EXPOSITIONS en tant que curateur

Co-commissaire (avec Law Yuk Mui et Yim Sui Fong): ‘Our Everyday – Our Borders’, œuvres de Tang Kwok Hin et Motoyuki Shitamichi, Tai Kwun Contemporary 大 館 – 當代 藝術, Tai Kwun Center for Heritage and Arts 大 館 當代 的術館, Hong Kong. 14 septembre 2018 – 31 octobre 2018.
Commissaire invité pour «Dead Serious». Bandes dessinées expérimentales de Belgique, de France et de Hong Kong », en collaboration avec des professeurs de l’Académie d’art Saint Luc de Bruxelles, Belgique. 3-14 avril 2018, AM Space, Hong Kong.
Conservateur invité du Hong Kong Jockey Club Presents: Light and Shadows. Caravaggio. L’exposition du maître baroque italien de la Cène du Caravage à Emaus de 1606 avec quatre artistes de Hong Kong (Tsang Kin-wah, Chow Chun-fai, Wucius Wong, So Hing-keung) parrainé par le Hong Kong Jockey Club, Asia Society Hong Kong, Hong Kong, 12 mars – 13 avril 2014
Commissaire invité pour «Teaching and Healing», exposition de groupe avec Ho Siu-kee, Shi Jin-Hua, Wei Qing-Ji, 24 mars au 20 mai 2016, galerie Lucie Chang, Hong Kong.