EXHIBITION | Saint-Gilles

Rien de neuf

From 09/05/2025 to 07/06/2025

RIEN DE NEUF

Gaëlle Clark et Didier Decoux + invités

Lexposition Rien de neuf opte pour l’intrigue des relectures et non pour l’injonction à la nouveauté. Gaëlle Clark revient avec son Tuktuk chargé de tiroirs de livres d’artistes et Didier Decoux déballe des archives qu’il met en perspective avec son activité d’éditeur. En dialogue, l’un et l’autre jouent les reprises propices à relancer les interprétations.

 L’exposition change chaque semaine. Des figures ont été choisies pour marquer cinq temps : Figure Odradek célèbre le nom kafkaïen de la galerie; Figure chiffonnier, l’idée de travailler avec des restes; Figure Zéro, le goût du peu ou du vide; Figure Dibutades, l’art de la ligne; Figure Colporteur, les ruses de la diffusion et des déplacements.

 Même s’il annonce ne proposer rien de neuf, le projet brasse des récits disparates selon une approche expérimentale de bibliophilie, au sens large et premier d’amour des livres.

 Pas de vernissage mais un programme de rencontres hebdomadaires.

Les 9 et 10 mai – Figure Odradek

Le samedi 10 à 17h, rencontre avec Marie Van Roey autour de ses livres textiles.

Le mercredi 14 mai

Ouverture exceptionnelle de 17 à 21h. Sortie du Tuktuk dans le quartier.

Les 16 et 17 mai – Figure Chiffonnier

Le samedi 17 à 17h, rencontre avec Olivier Bertrand autour des éditions Surfaces Utiles.

Les 23 et 24 mai – Figure Zéro

Le samedi 24 à 17h, rencontre avec Madame Georgette autour de son expérience d’itinérance de camera obscura.

Les 30 et 31 mai – Figure Dibutades

Le samedi 31 à 17h, Brigitte D’Hainaut construit un échange entre Gaëlle Clark et Didier Decoux autour de l’exposition Rien de neuf.

Les 6 et 7 juin – Figure Colporteur

Le vendredi 6 de 14 à 18h, Alexia de Visscher, Alice Néron et Léonard Mabille expérimentent un prototype de colportage pirate.

Le samedi 7 à 17h, rencontre avec Jean-François Pirson autour de sa démarche d’artiste-pédagogue.

 

                                       Les possibilités du jeu / Une logique de la perte

Annonçant très modestement qu’il n’y aura rien de neuf chez ODRADEK, Gaëlle Clark et Didier Decoux tablent sur les prémisses du déplacement, du déclassement et du reclassement.

Monter une exposition revient en effet à installer des œuvres pour réaliser un assemblage plus ou moins cohérent et voilà que justement les Établissements Decoux, maison d’édition indépendante spécialisée dans le livre d’artiste et le voyage d’objets, s’en prennent à ODRADEK.

Ayant trouvé une maquette réalisée en vue d’une édition de la nouvelle de Kafka « Le Souci du père de famille », Didier Decoux en récupère le texte original en allemand et ses traductions en français, anglais et chinois pour les remonter en un livre d’artiste au titre brodé par nos soins (pour les 50 exemplaires de tête) selon une calligraphie de Max Ernst.

Le tour est joué, il n’y a plus qu’à en retrouver la trame qui passe de la bobine de fils « Odradek », mentionnée par Kafka, à l’assemblage effectué par l’artiste-éditeur habitué à ce genre de technique de la passe. Sa logique implacable étant celle de la perte, elle comprend une soustraction, une sortie hors du marché de l’art et une mise en abîme des possibilités du jeu. Georges Bataille, expert en la matière, a mis en avant le besoin de dépenses somptuaires et ostentatoires qui fonctionnent à l’envers du principe d’accumulation et donc du capitalisme.

Nous y sommes : produire une œuvre avec les Établissements Decoux revient à s’intéresser au vide, au blanc de la page et au degré zéro de l’écriture, c’est-à-dire au rapport du langage aux formes plastiques. Le livre blanc ou sans contenu (objet de recherche de l’éditeur) révèle les conditions de possibilités de ce qui peut advenir, donc il témoigne de l’importance du jeu qui existe dans tout mécanisme.

Référons-nous à Laozi :

On façonne l’argile pour faire un récipient

Mais c’est là où il n’y a rien qu’est l’utilité du récipient

On perce portes et fenêtres pour faire une chambre

Ainsi c’est là où il n’y a rien qu’est l’utilité de la chambre

Ainsi l’il-y-a présente des commodités que l’il-n’y-a pas transforme en utilité.[1]

 Gaëlle Clark poursuit la même voie en se déplaçant avec le TukTuk Book, qui, au départ du réceptacle vide attire l’attention et le récit des passants. Cette charrette de verre et de bois  déambulant dans la rue sert d’espace de rencontres. L’ingénieuse artiste, de manière totalement gratuite, nous offre la possibilité d’imaginer différentes recherches esthétiques. Le TukTuk transporte des tiroirs contenant des livres singuliers et autres montages d’objets invitant au toucher, à la surprise tout comme au dialogue improbable, puisque tout arrive chemin faisant.

Pour Gaëlle Clark, il y a du jeu nécessaire entre ses tiroirs. Les espaces vides favorisent l’hospitalité et la convivialité de son activité, ils démontrent tout simplement que dans la rue une esthétique diversiforme, hétérogène s’avère possible.

« Odradek », ce ramassis de fils de Franz Kafka que Didier Decoux nous propose en montage visuel et en livre d’artiste, nous convient plus que jamais car il nous permet de reconvertir n’importe quels signes et de sortir des sentiers battus.

Simone Schuiten

 

 

 

 

[1] Anne CHENG, Histoire de la pensée chinoise, Editions du Seuil, Points Essais, 1997, P. 194