Du ciel à la terre
En résidence chez ODRADEK, l’artiste calligraphe mongol Tamir Samandbadraa Purev nous confie une graphie alphabétique d’héritage à la fois araméen et sogdien.
Ce style d’écriture « ouïgoure » appelé également « khudam » s’écrit verticalement de gauche à droite, il correspond à la culture ancestrale d’un peuple de cavaliers nomades. Supplanté depuis 1946 par l’alphabet cyrillique imposé par la Russie, il demeure malgré tout présent au sein de la culture d’un peuple attaché à la terre et en contact permanent avec le ciel
Contrairement au système chinois, ce type de tracé ne dispose que de 27 signes différents dont seulement 7 voyelles. Si Tamir parvient à leur donner l’élan et le dynamisme d’une configuration de type idéographique c’est parce qu’il dispose d’un savoir faire que les mongols ont développé en parcourant les étendues infinies de la steppe. Ces infatigables coursiers vivants sur leurs chevaux entretiennent un rapport à l’espace que seul un nomade peut ressentir et extérioriser. Le mouvement permanent fonction du cycle saisonnier constitue leur rapport monde, c’est-à-dire à la nature dont ils dépendent étroitement. Les tensions entre les pâturages parcourus par ces hommes de la steppe et le ciel qu’ils scrutent, s’enregistrent sur le papier que Tamir utilise pour convertir ses pensées et son vécu. L’assimilation de proverbes et maximes ancestraux lui permet finalement de développer une expression soit abstraite dans le déroulement d’une cursive, soit plus déchiffrable dans le sens d’une écriture régulière. L’impétueux calligraphe recourt à deux modes d’expression, le premier appartenant au contrôle de sa pensée et de sa main, planifie l’exercice d’écriture, le second plus fécond ne peut advenir que sous certaines conditions liées à un état de méditation ou de transe qui permet à l’artiste de se désolidariser de toutes contraintes pour être capable de se livrer au tracé de l’écriture. Son geste parvient alors à révéler l’empathie qui le lie à sa terre natale.
De tradition bouddhiste par sa famille, Tamir est un homme d’action qui fut pilote d’avion, contrôleur aérien ainsi que cinéaste. Calligraphe depuis son tout jeune âge, il est maintenant commissaire d’exposition et directeur artistique d’un centre d’art de calligraphie et de musique appelé « l’écrin » à Karakorum.
Simone Schuiten