d’où monte son chant, le silence aussi
« Naturer »
Pour sa nouvelle installation, Jean-François Pirson nous confie ses tentatives à propos du végétal, du minéral, de la montagne et du corps humain.
Sans hiérarchie possible, ses dessins se préoccupent de l’existence de la chose approchée et ensuite rencontrée. La vitalité de son trait dépend étroitement de l’énergie qu’il met au jour lors de sa pratique de dessinateur. Celle-ci s’accorde nécessairement à la constitution essentielle de ce qu’il perçoit, à savoir ce qui anime les choses, leur nature.
Alors, entre le dessin et l’écriture, toute différence disparait pour laisser la place au trait. Le geste, par mouvements rapides, libère des lignes de texture en cherchant en deçà de l’apparence des choses, leur nécessité.
Avec Jean-François Pirson, le geste de la main se lie aux formes naturelles auxquelles il se rend disponible et réceptif. En cela, sa volonté de partir de ce que révèle la nature s’avère très proche de l’esthétique extrême-orientale, qui accorde une grande importance au poignet vide. Ce dernier doit rester ouvert et sensible au souffle vital que contient en elle-même la nature, source de tous les possibles. Il s’agit de comprendre et de se référer à la nature pour elle-même, c’est-à-dire son mode d’existence dépouillé des interventions et grilles de lectures humaines. En Chine, le mot « nature » est actif comme un verbe. « Naturer » signifie que quelque chose évolue par soi-même, est poussé par une énergie vitale. La vie, processus de croissance, anime et nourrit tout corps. Sans nul doute nous pensons que l’art fait de même.
Aujourd’hui, nous inspirant d’envols d’oiseaux, de simples cailloux ou de sublimes montagnes, nous cherchons à renouer avec la nature en renonçant à nos prérogatives anthropocentriques. Jean-François Pirson n’étudie ni ne s’approprie un objet d’investigation. Au contraire, il tente une rencontre avec une branche fourchue pour en comprendre sa « fourchitude » et trouver le geste produisant le signe en correspondance. Dès lors, la force intérieure de la branche, se manifeste tout comme le rocher ou la montagne livrent leur intériorité et respirent comme des êtres vivants.
Que l’on soit calligraphe-lettré ou seulement dessinateur, un libre état d’esprit favorise l’interdépendance de l’homme avec le monde. De la même manière, la continuité du dessin et de l’écriture nous conduit vers un mode d’être affranchi de toute tutelle.
Lorsqu’Yü Ke peignait un bambou, il voyait le bambou et ne se voyait plus. C’est peu dire qu’il ne se voyait plus. Comme possédé, il délaissait son propre corps. Celui-ci se transformait, devenait bambou, faisant jaillir sans fin de nouvelles fraîcheurs.
Su Dongpo (1036-1101) poète et écrivain de l’époque Song
Simone Schuiten