Laure
Winants

Visualiser les conducteurs invisibles du changement climatique – Gaz atmosphérique et microparticules ; dioxyde de carbone, méthane et noir de carbone. 


Laure Winants avec son projet ALBEDO s’appuie sur une recherche à long terme autour des éléments naturels et propose une étude photographique expérimentale sur les traces que les fluctuations et dynamiques climatiques. Pour sentir ces marqueurs de changement, l’artiste s’entoure d’une équipe pluridisciplinaire dont les approches sont centrées sur la climatologie, et leurs outils de mesure – Field Forecasting, Data and Sensing Instrumentation. Elle y développe un dispositif expérimental qui se transporte à chaque expédition et prend place presque de façon performative dans le paysage, l’image se construit alors avec l’engagement physique du territoire. Les traces photographiques de l’expédition s’accompagnent des prélèvements, matière érodée prélevée sur le lieu de l’impression ainsi que les données de localisation. Lors de l’expédition, la matière ramassée devient trace géographique ainsi que base pigmentaire dans la solution photosensible. L’impression insitu prend alors en compte tous les éléments — le rayonnement solaire, les gazs atmosphériques, les minéraux.

Rencontres géosensibles 

Laure Winants installe son atelier d’artiste au cœur de la banquise arctique. Embarquée durant quatre mois au sein d’une expédition polaire, elle intègre une équipe de chercheurs pluridisciplinaires pour comprendre l’évolution de ce territoire démesuré, où l’homme n’est qu’une infime partie de la vie. Plongée en immersion dans ce désert blanc, elle exploite des techniques élaborées spécifiquement pour capturer les phénomènes optiques et lumineux uniques à la région. À l’aide de capteurs environnementaux, l’interaction de la matière elle-même est devenue créatrice de l’œuvre, mettant de côté l’intervention humaine. Laure Winants rend tangibles et émotionnellement perceptibles ces données mettant en lumière l’interdépendance des écosystèmes. L’artiste crée ainsi un dialogue entre l’art, les sciences naturelles et la technologie.

Les expérimentations sont nombreuses : capter la composition de la lumière, capter les inflexions acoustiques des icebergs, imprimer la composition chimique de l’eau… Plusieurs forages sont réalisés afin de prélever des échantillons de permafrost, de glaciers ou de glace de mer dont les enseignements nous projettent au-delà de notre humanité. Les données de ces capsules temporelles nous éclairent sur un passé de 300 millions d’années, mais dessinent également de nouveaux récits et régénèrent nos imaginaires.


De cette rencontre géosensible, sont nés plusieurs axes de recherche dont une série expérimentale qui explore les phénomènes de la lumière et de la couleur en Arctique. Présentés pour la première fois cet automne, ces œuvres sont notamment des tirages de photogrammes sur lesquels ont été apposés les découpes de glace saisies sur place. La lumière polarisée sur la matière nous indique la composition de la découpe. Elle dévoile la structure des cristaux mais garde une part d’ombre sur certains éléments présents depuis des millions d’années. En partant à l’écoute de la fragilité de ce paysage polaire en constante mutation, Laure Winants révèle un univers vu par le prisme de la nature même, où glace et lumière filtrent notre vision.