Estelle
Saignes

 

2pools

2021

2 x 2 mètres

Tissage jacquard façon tapisserie : trame en laine et lurex, chaîne en coton et polyester.

Ce lac artificiel sur la côte Est américaine date de 1928. Il a recouvert une ancienne ville minière et des champs. Il s’est rempli en deux ans et reflète la volonté des investisseurs immobiliers d’imiter le lac naturel de plaisance avoisinant, très populaire. Il serait plus petit, plus exclusif, bordé de maisonnettes dans un style néo-alpin, avec des parements en pierres de granit arrondies dans un mortier épais, des bardages en bois peint et des toitures en pierres bleutées. Aujourd’hui, c’est un paysage tranquille, dont les habitations ont gonflé suite aux extensions et terrassements.

Depuis quelques années, de nouvelles étendues aquatiques y apparaissent, observables par imagerie satellitaire : des piscines en bordure de lac. Bien que l’eau du lac soit praticable à la nage, régulièrement entretenue, ces miniatures chlorés se manifestent. Copies hygiéniques d’un lac lui-même construit, paysages privés desquels observer une communauté restreinte, extra-lacustres permettant d’extraire son corps de la baignade dans un paysage de synthèse pour le déplacer dans une eau transparente.

lakeside_pools est une série de cinq tissages jacquard façon tapisserie reprenant des vues satellitaires de ces piscines en bordure de lac artificiel. 2pools, présentée ici, en est issue. Initialement capturées sur Google Maps, les vues sont traduites en dessin puis en patchwork appliqué pour obtenir un motif texturé dont les couleurs correspondent à une eau brillante, épaisse et imaginaire, colorée par le carrelage d’une piscine. Le patchwork est ensuite photographié et préparé pour le tissage sur un métier à tisser industriel, adapté pour produire du jacquard façon tapisserie. La trame seule est visible dans des armures toile, louisine et satins de différentes largeurs, croisant une chaîne dissimulée en coton et polyester. À l’arrière, les fils restants sont lâchés en de longs flottés touffus. Recherchant l’épaisseur et la douceur des couvertures en jacquard à motifs touristiques américaines des années 70-80, la trame ne comporte que 4 couleurs de fils différents : fils blancs, bleu clairs et bleu foncés en laine, fils de coton entourés de lurex argenté, travaillés en différentes armures texturées et en pavages pixellisés, permettant ainsi une grande diversité de couleurs et rendant la tapisserie moins épaisse, au tomber droit lors de la suspension.

Capturées à distance, ces piscines sont traduites en tapisseries calorifiques et brillantes, des reconstructions distantes du paysage rendant son étrangeté, son artificialité et son inaccessibilité, de manière chaleureuse.