Christine
Nicaise

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Madeleine Van Oudenhove, 1990 in Catalogue Christine Nicaise, Galerie Willy D’Huysser, 1991

Ce n’est que dans l’espace, cette étendue indéfinie, que Christine Nicaise pouvait à ce point faire culminer deux langages plastiques – considérés généralement comme antinomiques – à savoir l’abstraction et le réalisme.
Mais une réalité, ici, dépourvue d’images.
Il n’y a rien de paradoxal à cela : certains murs exercent sur l’artiste un attrait d’autant plus fort qu’ils lui renvoient, tels des échos, des parcelles de ses peintures existantes.
Ces confrontations-confirmations vont galvaniser, des lors, les constructions des toiles – non pas dans les formes (absentes ou plutôt éloignées de leur conception classique) mais dans les divers degrés d’intensité ; fusion de la puissance rugueuse et de la sensibilité pure.
D’où l’importance de la matière et des matériaux, de leur richesse picturale – plâtre blanc lumineux, surfaces presque délavées que des hiéroglyphes ont marquées d’étranges sillons, superpositions d’empreintes …
Dans l’espace-temps s’inscrit la mémoire -rendue tangible-, résurgence de traces retrouvées, reconnues, indélébiles, qui vont se fondre dans la propre histoire des œuvres.
Longtemps intériorisées, les émotions vont graduellement s’exprimer a travers des gammes de tonalités infiniment délicates, ponctuées parfois d’élans soudains – l’écriture du geste, réponse accordée aux vibrations des plages longuement arpentées.
La vie, le vital, l`amour, imposent… leur omniprésence comme la lucidité n`exclut pas la sublimation.
Et ce n’est toujours pas contradictoire.
Christine Nicaise, arrachant au présent les résonances du passé, a quelquefois recours a des collages papiers de Chine déchirés dont les contours sont forcément et logiquement imprécis.
Or, cette œuvre est particulièrement ramassée, décantée a l’extrême, rigoureusement équilibrée.
Ses aspects lyriques impliquent la dimension du désir et donc la capacité d’émerveillement – une autre qualité soigneusement préservée.
Une autre étendue aussi, entre le calme et les remous qu’engendrent de sourdes angoisses, quasi imperceptibles …
Les répercussions du monde s’infiltrent dans les interstices de ces immenses peintures laissant, ici et là, mais rarement cependant, apparaître la texture de la toile écrue.
De ces nuances significatives vont jaillir des entités dont les impacts diffèrent car il s’agit à chaque fois d’une nouvelle reconstitution d’alliances.
L’épidermique côtoie les fresques, la spontanéité se patine au contact des distances …
Le refus des contraintes (autres que nécessaires pour l’artiste) est évident, c’est un échange d’énergies qui nous est offert et -dans ce sens- c’est une peinture de libertaire, de philosophe et, peut-être, de claustrophobe.
Nous avons effectivement le rare plaisir d’entrer dans une démarche picturale très dense et à la fois respirable, ouverte.
C’est subtil et subjuguant.
Comme la lumière, source première des créations de tout grand peintre.