Anne
Jones
Née en 1951, à Kapelle-op-den-Bos, Belgique
Vit et travaille en Belgique
Après des études de dessin à l’Académie de 1976 à 1982, Anne Jones se tourne vers la sculpture.
Depuis 1985, son travail d’atelier consiste en une recherche sur la résonance des matériaux, sur l’intégration dans le regard de concepts tels que le temps, le silence et la convivialité, et sur la place de l’être humain dans l’univers.
Ces préoccupations, toujours présentes depuis le début, sous-tendent néanmoins son travail avec plus ou moins d’acuité selon les moments, les étapes.
Après des études de dessin à l’Académie de 1976 à 1982, Anne Jones se tourne vers la sculpture.
Depuis 1985, son travail d’atelier consiste en une recherche sur la résonance des matériaux, sur l’intégration dans le regard de concepts tels que le temps, le silence et la convivialité, et sur la place de l’être humain dans l’univers.
Ces préoccupations, toujours présentes depuis le début, sous-tendent néanmoins son travail avec plus ou moins d’acuité selon les moments, les étapes.
Anne Jones et la puissance tellurique des ardoises
ODRADEK nous convie au dialogue qu’Anne Jones, depuis des années, développe avec la texture des pierres de schiste ardoisier.
Attentive et solidaire aux métamorphoses successives de cette sédimentation naturelle qu’est l’ardoise, l’artiste récupère d’anciennes couvertures de toitures pour leur permettre de continuer à vivre.
Très tôt dans sa rencontre avec l’ardoise, Anne Jones a été saisie par le caractère animé et la dimension expressive de ce matériau gisant dans les containers des chantiers. L’artiste, en recueillant ces strates de schiste sorties du sous-sol pour être exposées aux tourments du ciel, restaure les liens sensibles qui nous font co-exister avec elles.
Dans son atelier, en œuvrant de concert avec ses ardoises, Anne Jones rencontre la nature inventive de celles-ci. Ce qui lui permet de percevoir, d’embrasser, d’incorporer et finalement d’intégrer une écriture-trace qui constituera la substance de son travail.
En tant que sculpteur Anne Jones se veut réceptive au mouvement, au rythme et à la dynamique qui ont constitué la pierre. L’artiste s’avère perméable à la nature du schiste qui s’exprime dans des formes visibles sur chacune de ses faces. Une liaison s’établit alors entre la force créatrice des sédiments transformés sous l’effet du métamorphisme et l’approche esthétique de l’artiste. Les minces feuillets fissiles qui composent l’ardoise nous sont ainsi confiés en leurs qualités intrinsèques chargées d’histoires et de mystères.
En laissant l’ardoise s’adresser à elle, Anne Jones lui restitue ce qu’elle lui a donné. Elle a recueilli à bras-le-corps la manifestation de sa richesse intérieure, de sa force tellurique. Lors du sciage de la pierre, la matière minérale libérée est emportée par l’eau utilisée lors de la coupe et menée dans des caniveaux d’écoulement vers le bac de décantation. C’est en plongeant des papiers dans ceux-ci qu’Anne Jones recueille cette matière extraite, qui, en séchant, se réorganise, dévoilant alors la face cachée du schiste ardoisier, son intériorité, son ancestralité. C’est alors que les artistes, Anne Jones et l’ardoise, se rejoignent dans ce dialogue naturel où le souffle, c’est-à-dire l’énergie vitale des sédiments cristallisés, apparait sur le support papier.
L’exposition que nous propose Anne Jones porte uniquement sur la relation entre les dépôts de schiste sur les feuilles mises à leur disposition et l’ardoise dont ils proviennent. De part et d’autre apparaît un paysage composé de traces consubstantielles à la Nature. L’artiste, dit-elle, n’y est pour rien si ce n’est qu’elle a favorisé leur rencontre et réactivé notre regard. Nous percevons alors des émanations du réel, des images écrites se produisant spontanément.
A l’instar de l’esthétique chinoise considérant que l’écriture en ses premiers signes provient du ciel et de la terre, nous comprenons visuellement notre réciprocité avec la Nature. Anne Jones, dans cet état d’esprit, nous introduit à l’expressivité de ce monde où tout élément est animé par ce même souffle vital.
En Chine les pierres de Dali proviennent d’une roche calcaire métamorphisée. Appelées « pierre de rêve », « pierre graphique », « pierre paysage » ou encore « pierre de voyage » par les veines de leur marbre, elles révèlent un tracé sublime qui sert de modèle aux calligraphes et aux peintres. Elles sont collectionnées par des lettrés qui y ajoutent un poème afin de participer à leur tour au paysage. D’origine tellurique, elles nous rappellent notre appartenance à l’univers cosmique. Y correspondant encore, elles mettent en scène les souffles et énergies qui transforment le visible et l’invisible.
Le travail d’Anne Jones est proche de ce constat qui, pour elle, devient source d’interrogation et de possible…
Simone Schuiten