EXPOSITION | Saint-Gilles

VERNISSAGE

03/11/2022 à 18:00

FINISSAGE

26/11/2022 à 16:00

Mémoire du vide

Du 04/11/2022 au 26/11/2022

      

Mémoire du vide

En résidence depuis la fin du mois d’aout, Léo Baron nous présentera prochainement une œuvre réalisée au moyen d’un râteau de jardinage. Cet outil lui permet de délaisser, pour un moment, le pinceau et l’encre.

Il s’exécute debout dans la force de l’âge, pour inscrire dans la  profondeur de la matière acrylique et l’huile, une voie, une constellation de signes-écritures.

Ce langage, activant du vide par le plein constitué par la masse d’une couleur uniforme, il l’avait déjà, fin des années 1990, inauguré et présenté à Tokyo en 1995 et  2001.
Aujourd’hui, Léo Baron reprend son même outil acéré pour donner suite à ses inlassables interrogations.
Simone Schuiten

La page blanche de Léo Baron – celle devant laquelle il dit s’interroger depuis toujours…

Ni figures ni formes, ni couleurs ni perspective. Seul un fond, déposé couche après couche. Noir sur blanc. Blanc sur noir, une épaisseur dans laquelle pouvoir pénétrer.

Pour pinceau un râteau. Ne pas tracer mais gratter. Ne pas construire mais découvrir. Creuser le blanc jusqu’à en faire surgir la trace obscure qui le fera parler.

S’agit-il encore de lire des groupes de signes, des ébauches de trame, ou bien plutôt de leur faire révéler l’intense frémissement qui anime l’invisible ?

L’œuvre pourtant ne saurait être un simple lieu d’apparition. Aux aguets, le peintre approuve ou rejette. Après la griffe du râteau qui s’enfonce et découvre les traces, c’est à la brosse dont il se saisit d’en faire les contours et les configurations.  Il orchestre sa composition, jusqu’à obtenir le parfait équilibre entre apparition et disparition.

Une disparition qui n’a rien d’une absence : comme les mille particularités de la terre restent présentes sous la neige, sous le voile qui les fait retourner au blanc les signes sont toujours là, continuant d’habiter la page.

Le peintre tient enfin l’impossible promesse qu’il s’était faite : faire venir à sa page une lumière où chatoie encore la nuit, s’exprimer dans une parole qui porte à la fois le silence et la voix, recréer un espace où sur face et profondeur sont un seul et même corps vibrant.

Catherine Deknuydt

Léo Baron me donne le titre de son exposition : Mémoire du vide.

Il est en résidence à ODRADEK afin de finaliser son projet. Ce sont des formats 80X80, en bois, composés pour une bonne part d’une couche primaire sombre, recouverte d’une laque blanche. Léo emploie un râteau pour attaquer le blanc afin de faire surgir les traces d’une danse, une écriture à peine esquissée, impossible à déchiffrer. La difficulté, affirme Léo, c’est de défendre la force de l’esquisse sans affaiblir le blanc. Le blanc serait-il le vide ?

Léo répète qu’il doit retrouver le lieu où la peinture s’impose. Il avance à tâtons. Il a besoin des œuvres déjà réalisées pour en faire de nouvelles. Il rêve d’un signe qui contiendrait tous les autres. Un signe qu’il n’a pas encore vu. Un rien qui dirait tout. Il me parle d’un deuil. Écrire à quelqu’un qui n’est plus. Il me parle d’un vide pour que le plein ne déborde pas. Léo s’échauffe : « Il faut secouer ce putain de chaos !… Le faire avec gourmandise ! La composition du tableau m’échappe car elle résulte autant de mes choix que des événements. Je vais donc vers ce que je ne sais pas ! »

Effacer pour inscrire. Pour créer. S’effacer pour l’inattendu. Le tableau apparaît quand le peintre cède la place, quand il se dissout dans l’événement. Le tableau vient à contretemps. Il vient du vide si on l’envisage comme ce qui n’a pas encore de figure. Ainsi, le tableau serait la mémoire du vide. Travailler par couches superposées permet une double approche : gratter le blanc pour que naissent les traces et recouvrir ces dernières afin de préserver la puissance de l’immaculé. L’effacement est synonyme de simplicité. De retenue. L’esprit du noir et du blanc. L’architecture sans ornements.

Préparer une exposition, c’est refaire le parcours, mais en suivant un autre chemin. Chercher ce qu’on a toujours été. Se confronter à la surprise d’exister. La solitude. Celle-là même que nous essayons d’enfuir et qui nous percute quand survient l’amour, la mort, la création, l’irrémédiable d’une maladie. Le réel nous troue la peau. Le tableau en est la carte. Il nous oblige à l’esquisse d’une danse, une mise en danger qui parfois ouvre des abîmes insoupçonnés.

Étienne Leclercq