François
Hinfray

Il faut regarder le travail de François  Hinfray pour y trouver, avant tout autre discours, l’enjeu et l’attraction de sa démarche picturale. L’artiste s’inscrit d’évidence dans la tradition de l’abstraction géométrique qui correspond en quelque sorte à sa culture ; une abstraction géométrique précisément construite, faite de profondeurs et d’aplats, de rythmes et d’espaces, qui met et remet sans cesse en jeu une palette large de formes, de motifs, de couleurs, de techniques, de formats.

Mais il faut s’approcher de ce travail pour entrer en résonnance avec d’autres affects. Car il y a, dans cette précision quasi mathématique du dessin, cette répétition inlassable du trait ou du coup de pinceau, dans cette obsession de la maîtrise, quelque chose qui renvoie à l’art longtemps nommé brut, voire à certaines formes d’art premier qui viennent troubler la perception a priori froide, calculée, de l’œuvre.

La générosité s’y affirme, la poésie y affleure. Sans compter la matière, vivante, diverse, avec laquelle il s’exprime : le velouté du pastel, la transparence du crayon, la profondeur de l’encre, l’opacité de la gouache, la trame du papier. Le motif est dense, tendu entre les pôles parfois contradictoires de la géométrie, du magnétisme, de la sensualité, de la couleur.

Car la couleur est sans doute la grande affaire de François Hinfray ; c’est là que s’exprime à la fois son désir d’ordre et son désir de liberté, son classicisme et son goût de l’inattendu. L’on pourrait être tenté de lui attribuer une palette, comme on pourrait être tenté de le classer dans une école, un mouvement ; mais à regarder et regarder encore sa peinture, de loin, de plus près, de tout près, ce sont plein d’images, de références, d’évocations qui se succèdent et se mélangent, défiant toute forme de généralité ou de classification.

Cette hétérogénéité est peut-être ce qui définit le mieux l’artiste et son travail. Car François Hinfray est lui-même un homme à facettes : artiste, écrivain, amateur de musique, féru de cinéma, passionné par les débats du temps, il a aussi été homme d’entreprises et d’actions. Est-ce à dire que la peinture ne serait pour lui qu’une distraction ou une échappatoire ? Ou est-ce plutôt une nécessité qui s’est imposée à lui très tôt et n’a cessé de constituer, dans l’effervescence d’une vie bien remplie, la ligne de force, la permanence, l’axe vital de sa personnalité ?

Il faut voyager dans le travail de François Hinfray.

Caroline Mierop

Directrice honoraire de l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre